Cette scène nocturne, réalisée en 1927, année durant laquelle Chagall travaille aux illustrations des Fables de La Fontaine, pourrait s’apparenter à un récit mythologique ou à un conte. Son titre, Le Rêve, laisse place à l’irrationnel et à l’imaginaire, libéré de toute contrainte. Le paysage, traité à l’aide de touches de peinture apparentes et généreuses, aux couleurs et aux tonalités multiples, est représenté inversé, figurant une autre réalité. L’artiste opère un renversement des registres terrestres et célestes, équilibré par une jeune femme endormie et alanguie reposant sur un âne, animal récurrent de son œuvre, renvoyant notamment à sa ville natale russe. La figure féminine semble totalement s’abandonner, en harmonie avec l’animal. La dimension onirique de l’œuvre et son étrangeté la rapprochent des œuvres surréalistes, les membres du groupe ayant trouvé un écho dans les recherches picturales de Chagall, ce dernier n’adhérant cependant jamais au groupe.

La présence de la Chèvre, animal récurrent dans l’œuvre de Chagall, est également une référence au rêve ou à l’imagination. Le tableau, construit de manière circulaire autour de cette chèvre permet de renverser l’endroit de l’envers et d’emmener le spectateur dans un monde où il n’a plus ses repères. Le bleu couvre l’essentiel du tableau, mais les taches du vert près du corps de la femme font écho à la pelouse qui occupe le ciel, et cassent le rythme rond de ce bleu. La géométrie du tableau est un écho en lui même au rêve : tout est construit mais sous un sens qui nous échappe.